souffledillusion

Breath of Illusion

Samedi 21 mai 2011 à 19:38








Sound of Silence









 
Simon & Garfunkel
 
 

Samedi 21 mai 2011 à 17:45

Droite, gauche, à droite, à gauche. Mouvement de recul, droite, gauche, à droite, à gauche.

Le tic de l'ours.
Tant de chevaux manifestent ce trouble compulsif. Droite, gauche, ils sont là, les antérieurs contre la porte de leur box, et le poitrail qui frotte, de droite, à gauche, de gauche, à droite, sans arrêt, des heures durant ils se balancent contre la paroie de bois, leur grande tête à l'extérieur du petit espace clot et sombre, le plus souvent leur nuque est courbée, le chanfrein à la verticale, les lèvres retroussées, pincées, les machoires crispées... 

L'ennui.

Qu'il est beau l'homme qui maîtrise l'animal, qui enferme la créature la plus noble pour l'oublier à l'obscurité, à l'oppression et à l'ennui, par simple besoin de possession, incapable de vivre heureux sans se sentir puissant. Qu'il est beau le propriétaire aigri qui n'a jamais le temps, et cette splendeur à la morphologie si fine, cette puissante musculature qui se dessine, qu'elle est belle, ternie par une épaisse couche de poussière. 
Les jours passent, les heures ont sur ton dessin si précis l'impact d'un flou, tu tournes en rond, tu t'ennuies, tu démuscles, et cette lueur de malice au fond de ton regard... disparue. Image ternie d'une triste réalité, les mois passent et tes os semblent se battre pour percer ta peau, tu te balances de gauche à droite... le regard vide, gauche, droite, gauche, droite... 

Et puis, elle craqua. C'était défendu, c'était interdit, mais elle entra dans ta prison. Un moment de douceur, un autre moment, si long mais si paisible, à frotter cette poussière armée d'une poignée de paille sèche. Un regard vers l'extérieur, gauche, droite, gauche, droite. Personne. Alors d'un geste simple, d'un simple geste elle changea le cours des choses. Elle poussa la paroie de bois, et passant une longe autour de ton encolure elle avanca d'un pas. 

Il suffisait d'ouvrir la porte.

Qu'il est beau l'homme qui maîtrise l'animal, par simple besoin de possession, incapable de vivre heureux sans se sentir puissant.
Hier, ce qu'elle apperçut la perturba. Il était là, petit, fragile, sâle, les traits fatigués, mal assis entre de vieux sacs usés et un plaid dégueulasse, la gueule noircie par la vie. Gauche, droite, gauche, droite. Gauche. Droite. 
Ce vieil homme assis là, le cul par terre, comme convulsant sous le poids de la vie, gauche, droite, gauche, droite, la tête basse, le regard dans le vide, machoires crispées, gauche, droite, gauche, droite.

L'ennui.

Gauche, droite, gauche, droite.

Le tic de l'ours.

Mais comment peut-on en arriver là? Qu'il est beau l'homme qui ne se satisfait plus de maîtriser l'animal, ni même de le détruire. Qu'il est beau l'homme qui face à lui même ne saurait passer chemin, l'homme qui par la force de l'argent se bat pour le pouvoir.
Assouvir.
Alors on enferme les moins battants dans l'obscurité de la misère. Et ils tournent en rond. Et ils s'ennuient. Et le cul sur le trotoir ils regardent passer les gens au dessus d'eux. Gauche, droite, gauche, droite.
 
Il suffirait pourtant d'ouvrir la porte.

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