Et si on prenait le temps?
      Et si on se laissait du temps?
            Et si on donnait le temps au temps?
                 Et si on laissait faire le temps?

Toujours à 100 à l'heure, à peine terminé qu'une autre chose à s'occuper. Epuisant? Indispensable. Cette éternelle lutte contre l'ennui, obsessionnel besoin d'occuper le moindre vide qui tenterait de s'insurger dans le planning d'une malheureuse journée, si le temps était une valise, elle y jèterait avec non chalance tant de vêtements poussiéreux qu'il faudrait s'assoir à quatre dessus pour la fermer. A peine relevés qu'elle exploserait, projetant de vieux haillons de souvenirs un peu partout dans l'air.

On en est là. Toujours courir, toujours s'occuper les deux mains, toujours faire trente six choses en même temps et penser à la trente-septième, toujours combler les espaces, pas la moindre pause, non ne souffle pas non, ne laisse pas le moindre vide. Il pourrait s'y immiscer. Alors on court, on court partout, on lit, on oublie, on sort, on s'en sort, on court, on arrive aux cours, on y va, on en revient, on nettoie, on revoit, on ponce, on pense, on démonte, on remonte, on met les voiles, non. Trop de vent. On range les voiles on prend une toile on peint, on dépeint on se plaint on est plein, là c'est trop plein. Alors on s'envole on vole on est puni, on plane on transplane on s'en va. On part. On revient. Parce qu'on revient toujours. 


[PAUSE]

 
 
Elle a fermé les yeux, inspirant profondément. Un peu de poésie dans ce monde de brutes. Une petite pause. Prendre le temps de respirer ce grand air, une perle de mélancolie au coin de l'oeil, chassé avec tendresse du revers de sa main.
Elle a fermé les yeux, inspirant profondément elle a senti. La brise légère chargée d'air frais s'emmêler dans ses jambes nues, la douceur de ses cheveux caresser sa nuque, l'odeur des grands pins, la lumière du soleil refletée dans les hautes herbes, le ruissellement de l'eau dans les méandres des rochers. Un voyage des sens en l'espace d'une seconde. Elle était partie.
Et puis l'absence. Ca y est elle est là. Toujours. Cette absence, ce vide qui se glisse partout. L'absence de ces mains sur les méandres de sa peau, l'absence de son corps contre le sien la nuit quand elle dort, l'absence de son sourire malicieux quand ils entrevoyaient une bêtise à faire ensemble, l'absence de son regard complice quand c'était fait. L'abscence de ses cigarettes, de son bordel, de sa voix, de sa barbe de trois jours, de son t-shirt troué, l'absence de ses idées loufoques, de ses caprices de môme.

 
Tout de lui lui manquait. Sauf lui. Lui, elle le détestait trop pour ça.

Alors elle voyageait. Elle trouvait chez l'un le sourire malicieux, chez l'autre la chaleur d'un corps, apaisante, rassurante, elle allait s'y engouffrer quand épuisée elle cédait à la panique. Elle croisait parfois l'odeur de ses cigarettes. Tournant la tête elle s'apercevait bien vite de sa stupidité. Biensûr qu'il n'était pas là. On revient toujours, mais pas lui. Et tant mieux. Ce qu'elle voulait, ce n'était pas lui.

Confus tout ça non? Il s'en passe des choses en une fraction de seconde de méditation. Fermer les yeux, inspirer. Quand vous sentirez rebondir à toute vitesse en votre fort intérieur chacune de vos pensées, à tel point que vous ne saurez plus les distinguer, alors peut-être, je dis bien peut-être, vous entreverrez les raisons qui font qu'on occupe chacun des vides qui s'immiscent dans une journée.

[Bienvenus dans ma tête, allouette]